Le 15 janvier 2025, la cour d’appel du Tribunal de Grande Instance de Kabambare, situé dans la province du Maniema, a entamé l’examen de l’affaire de 15 défenseurs de l’environnement condamnés à 6 mois de prison ferme et à une amende de 5000 dollars. Leur “crime” ? Avoir dénoncé l’exploitation illégale des bois rouges dans cette province riche en biodiversité, un fléau qui menace non seulement l’écosystème local, mais aussi l’avenir économique des communautés autochtones.
Ces activistes environnementaux avaient alerté les autorités locales et l’opinion publique sur une coupe de bois illégale qui avait été suspendue par l’administrateur du territoire, après l’intervention des chefs des groupements. Ce plaidoyer, soutenu par la société civile, visait à faire cesser cette exploitation sauvage, sans qu’aucune autorisation officielle ne soit délivrée, et sans bénéfice pour les populations locales ou à l’État congolais. Ce dernier, par la voix de ses autorités locales, avait pris la décision de suspendre l’exploitation des bois rouges sur l’ensemble du territoire de Kabambare.
Mais c’est là que les choses se sont corsées. Au lieu de voir cette démarche comme un soutien aux politiques de conservation prônées par le gouvernement, les 15 défenseurs se sont retrouvés traînés devant les tribunaux. La plainte contre ces derniers a été déposée par Moïse Bigirimana, un nom qui reste flou pour beaucoup, mais qui semble jouer un rôle clé dans ce dossier. Ce dernier, selon les défenseurs, aurait agi dans un cadre qui ne reflète pas nécessairement l’intérêt général ou environnemental, mais plutôt des intérêts particuliers, voire commerciaux.
Les défenseurs de l’environnement, emmenés par la société civile du Maniema, ne cachent pas leur frustration. « Il est incompréhensible qu’en République Démocratique du Congo, un pays qui affiche sa volonté de préserver ses forêts et de lutter contre le changement climatique, ceux qui défendent cette cause soient punis » a déclaré Josué Aruna, cadre de la société civile environnementale. Pour lui, il ne fait aucun doute que la justice congolaise a été manipulée, et qu’au lieu de soutenir les efforts en faveur de la conservation de l’environnement, elle semble avoir pris le parti des exploitants illégaux.
La société civile ne se contente pas de dénoncer cette situation ; elle demande l’implication directe du président de la République pour qu’une justice plus juste et plus équitable soit rendue. Selon Aruna, l’objectif est que ces défenseurs, qui agissent au nom de la préservation des forêts congolaises et du bien-être des populations locales, puissent retrouver leur liberté et continuer leur travail sans entraves.
Le cas de ces défenseurs est emblématique d’une problématique plus large qui concerne la gestion des ressources naturelles en République Démocratique du Congo. D’un côté, le gouvernement met en avant une vision de durabilité, de préservation des forêts, et de bénéfices à long terme pour les communautés locales. De l’autre, des intérêts privés ou locaux semblent peser lourdement sur les décisions prises, compromettant l’engagement pour un environnement sain et la mise en œuvre des politiques de conservation.
L’affaire a pris une autre tournure avec l’arrestation de plusieurs acteurs de la société civile, dont Yahya Mirambo Bin Lubangi, un homme âgé d’une soixantaine d’années, reconnu pour son engagement depuis des années dans la protection des forêts de la RDC. Cette vague d’arrestations et de condamnations fait écho à un climat de plus en plus tendu entre les défenseurs de l’environnement et certaines puissances économiques locales. Mais elle soulève aussi la question de la place des défenseurs dans la mise en œuvre des politiques environnementales : pourquoi les autorités congolaises, censées défendre l’intérêt général, répriment-elles ceux qui luttent pour un environnement viable et pour les droits des peuples autochtones ?
Le climat d’incertitude est d’autant plus inquiétant que, quelques mois auparavant, la société civile a saisi les autorités sur une exploitation illégale de bois de grande taille, et a réussi à faire saisir 40 planches de bois non autorisées. Une initiative saluée par les populations locales, mais qui a clairement dérangé certains acteurs du secteur. D’ailleurs, la société civile dénonce l’absence de soutien de l’État face à une exploitation sauvage qui prive les communautés de leurs ressources naturelles et met en péril l’écosystème de la région.
Les 15 défenseurs sont aujourd’hui en attente d’une nouvelle décision de la cour d’appel, mais leur incarcération et les lourdes amendes imposées rappellent l’ampleur de l’enjeu. La RDC se trouve à un carrefour : choisir de soutenir ses citoyens engagés pour l’environnement, ou se laisser entraîner dans une spirale où l’exploitation des ressources naturelles prime sur le bien-être de ses habitants et la sauvegarde de ses forêts.
Cette affaire met également en lumière la question de la gestion des ressources naturelles dans un pays où la corruption et la mauvaise gouvernance sont des obstacles majeurs à une gestion durable. Il est urgent que la justice congolaise et les autorités publiques réévaluent leurs priorités et commencent à protéger ceux qui œuvrent véritablement pour un avenir plus vert et plus équitable. Les défenseurs de l’environnement doivent être soutenus, non persécutés.
Dans cette bataille entre développement économique et préservation des ressources naturelles, la RDC devra se déterminer : un choix pour l’avenir, ou pour les intérêts immédiats ? L’issue de ce procès pourrait bien être un tournant pour l’environnement et la justice en République Démocratique du Congo.
Avec kilalopress