Politique

RDC : le sang des Congolais continue à couler , Près de 150 personnes sont mortes depuis début juin (Cardinal Ambongo)

Près de 150 personnes sont mortes depuis début juin, dans l’Est de la RDC, dans des tueries attribuées au groupe armé ADF, affilié à l’organisation Etat islamique. Pour le Cardinal Fridolin Ambongo, il est déplorable et incompréhensible que le sang de Congolais continue à couler dans l’indifférence de la Communauté internationale. Les chrétiens qui y sont tombés sont des «martyrs», estime-t-il, en faisant le lien avec la béatification de quatre missionnaires en août prochain à Uvira.

42 personnes sont mortes au cours d’un massacre commis dans la nuit du 12 au 13 juin dans le territoire de Lubero, faisant passer à près de 150 le nombre des personnes tuées dans la province du Nord-Kivu depuis début juin, selon des autorités locales et la société civile. Lors de l’Angélus du dimanche 16 juin, le Pape François a déploré «les combats et les massacres» de civils dans de ce pays, dont «de nombreux chrétiens» qu’il a qualifiés de «martyrs» de la foi.

L’Union Africaine a également condamné ces tueries. Pour le Cardinal Fridolin Ambongo, cette situation est déplorable et incompréhensible. L’archevêque de Kinshasa fustige l’indifférence de la Communauté internationale qui ne s’émeut pas des souffrances du peuple congolais. Il pointe également du doigt certains pays voisins de son pays, la RDC.

Au mois d’août prochain, il y aura un grand événement pour notre église nationale, la béatification des quatre martyrs d’Uvira. Nous savons que parmi ces quatre martyrs, certains ont été massacrés à Baraka et d’autres à Fizi. Mais dans le contexte actuel, vu le problème d’accessibilité, le problème de sécurité, les autorités ont décidé que la cérémonie se passe au siège du diocèse à Uvira.

Je remercie le Saint-Père, le pape François, qui m’a fait confiance en me désignant comme son représentant pour un événement aussi important pour la vie de notre Église. Cet événement, qui s’est passé en 1964, la même année du martyre de la Bienheureuse Anuarite, nous donne vraiment à réfléchir. Nous avions cru que le sang des martyrs de 1964 allait aider le Congo à évoluer vers un avenir meilleur. Malheureusement, nous constatons 60 ans après que le sang du peuple congolais continue à couler et que de nouveaux martyrs continuent à tomber dans notre pays.

Nous sommes tous témoins de ce qui se passe à l’Est et c’est vraiment l’incompréhension face à l’amplification des tueries et surtout le déplacement de la population chassée loin de leurs villages. Nous nous posons des questions: pourquoi? En plus de ceux qui ont été tués pour leur foi, dans la partie Nord-Kivu, notamment dans les territoires de Beni, Butembo, en descendant vers Goma, en passant par Masisi, Rutshuru et Nyiragongo, là l’où on continue à tuer.

Nous nous posons vraiment des questions: mais comment cela peut se faire aujourd’hui? Et cela se fait dans une sorte d’indifférence générale de la Communauté internationale. Même si la Monusco est là, personne ne sent qu’il y a une présence de la Communauté internationale. La tuerie du peuple congolais n’émeut personne. Le déplacement massif de la population congolaise à l’intérieur du pays même et à l’extérieur, laisse indifférente la conscience de la Communauté internationale. Il y a vraiment lieu de se poser des questions. Qu’est-ce que nous, peuple congolais, avons fait pour mériter ce traitement?

Nous devons faire la distinction entre l’Islam pacifique, des musulmans qui sont avec nous, par exemple à Kinshasa, qui travaillent avec nous, qui collaborent avec nous, qui travaillent aussi pour le développement du pays. Ceux-là ne font pas problème. Je crois que ce serait une injustice de mettre tout le monde dans le même sac.

A côté de ces musulmans, c’est d’ailleurs la grande partie, il y a une infime minorité qui s’est installée dans la région de Beni et qui, depuis quelques années déjà, se revendiquent de l’Islam dur. Et ce sont ces gens qui s’adonnent à des tueries sans cœur et nous avons l’impression qu’ils sont soutenus quelque part. Sinon, comment voulez-vous qu’une petite minorité qui brûle tout un village, qui massacre, qui égorge et après se retire dans la forêt? À cause de ces gens, le pouvoir de Kinshasa avait sollicité l’appui de l’Ouganda.

L’Ouganda est intervenu. Mais le constat aujourd’hui, c’est quoi? L’intervention de l’Ouganda a constitué une occasion de dispersion de ce mouvement. Jusqu’à hier, ces mouvements n’opéraient que dans le Nord-Kivu. Mais maintenant, ils se retrouvent aussi dans l’Ituri et ils continuent les massacres. De ce côté-là, il n’y a pas que le Rwanda, mais aussi l’Ouganda.
Le peuple congolais, par nature, est un peuple d’espérance parce que c’est ce que ce peuple vit depuis plusieurs décennies. Si ça arrivait à un autre peuple, je crois qu’il serait déjà trop tard. Je crois qu’on ne parlerait plus de ce peuple-là. Mais curieusement, le peuple congolais est un peuple qui s’accroche à la vie, c’est un peuple qui croit à son avenir et malgré la morosité, la tristesse du moment, le peuple congolais est convaincu que son avenir sera meilleur.

Et moi personnellement, en tant que pasteur, au nom de l’espérance chrétienne, je continue à encourager notre peuple à ne pas céder à la tentation du découragement. Parce que, une fois qu’il cède à la tentation du découragement, c’est offrir notre pays comme un gâteau sur un plateau à l’ennemi. Et l’ennemi ne veut que ça. Si j’ai un message pour mon peuple, c’est de ne jamais paniquer, ne jamais céder au jeu de l’ennemi. L’espérance chrétienne est là pour nous soutenir dans notre combat.

Avec Vatican News

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